Récit n°1 : des chevreuils, des cerfs... et des empreintes
Ce récit se déroule dans les Alpes du Nord. Volontairement, le lieu exact sera laissé secret, dans un souci de préservation évident.
Au 18ème siècle, le loup était encore un mammifère largement répandu sur la planète. En France, il était présent dans toutes les campagnes. Cependant, au 19ème et 20ème siècle on ne le compte plus que sur la moitié du territoire, puis en 1937 la population française est considérée comme éradiquée.
C’est 50 ans plus tard que le loup obtient un statut de protection au niveau européen. Parallèlement, les forêts regagnent du terrain et les proies redeviennent abondantes. Ce changement de contexte qui intervient en moins d’un siècle, se révèle très favorable au retour du loup dans l’hexagone. En 1922, un premier couple est observé dans le parc national du Mercantour. Ces individus arrivent naturellement d’Italie, où les loups n’ont jamais complètement disparu (région des Abruzzes).
La population française est ainsi passée de 10 000 - 20 000 individus au 18ème siècle à 430 individus (comptage hiver 2017-2018 de l’ONCFS).
A la sortie de l’été 2018, le réseau loup-lynx estime que la population de loups en France s’étend sur plus de 85 zones sur lesquelles il y a des loups sédentaires – dont 72 avec présence de meutes. Actuellement, la progression de l’espèce dans le massif alpin continue à se faire essentiellement par comblement des zones interstitielles entre les territoires des groupes. Il est à noter que la reproduction est quasi-uniquement constatée dans les Alpes.
C’est donc en février 2019 que notre quête du loup commence, dans un secteur déjà connu pour abriter une meute (une meute étant constituée d’au moins 3 individus) d’après les cartes de l’ONCFS. Notre secteur d’étude est volontairement situé en bordure de zone urbaine, par curiosité principalement. Il s’agit d’une forêt communale de 49 km² se situant entre 450m et 1800m d’altitude et principalement composée de hêtraie-sapinière. Mais cette considération importe peu pour les loups, dont le domaine vital (surface traversée par la meute pour ses activités habituelles – la dispersion étant exclue de la définition) s’étend de 329 à 393 km².
Dans un premier temps, nous partons à la recherche des indices de présence : crottes et empreintes. La neige aidant, nous trouverons les premières empreintes fin février, relativement bas en altitude.
Dans la foulée, nous installons les pièges photographiques, principale méthode utilisée lors de ce suivi. Il s’agit d’être le moins invasif possible, c’est aussi pour cette raison que les loups ne seront jamais appâtés. L’objectif est bien de filmer leur comportement naturel, sans intervenir d’aucune sorte.
Les pièges photos sont camouflés le mieux possible étant donné la fréquentation potentielle de cette forêt (nombreux chemins de randonnées et pistes d’accès), bien que nous ayons rarement croisé des humains lors de nos prospections !
Les premières vidéos récoltées sont sans grande surprise, avec une faune typique des massifs forestiers des Alpes du nord. Pas de traces du loup pour le moment, mais le plaisir de découvrir des instants de vie d’autres mammifères, aux portes du village.
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Récit n°2 : la première image
Le suivi suit son cours, avec la recherche des indices de
présence et le changement d’emplacement régulier des pièges-photos. Nous
découvrons que ce massif forestier est bien plus fréquenté que ce que nous imaginions :
des promeneurs, des vététistes, des quads, des motos, des 4*4, des
traileurs ! En journée nous n’observons pas beaucoup d’animaux, mais la
nuit venue, le garde-manger des loups est de sortie ! Dans les Alpes, ses
proies favorites sont les chevreuils, les chamois, les cerfs et les mouflons.
Nous éloignons petit à petit nos pièges photos des principaux
villages et axes de communication. Finalement, l’un de nos boitiers (placé à 450
mètres de la première habitation et à 700m du village et d’une route principale
permettant de traverser la vallée), va finir par capter une image de l’animal !
Nous sommes alors le 4 mars 2019 – soit 1 mois après le début de notre étude -
il est 21h55. La qualité de la vidéo est relativement médiocre, mais elle permet tout de même d'identifier l'espèce avec certitude.
Notre première réaction est l’étonnement, nous sommes encore relativement proche des habitations ! Toutefois, cela n’a rien de surprenant, le loup est une espèce très plastique, capable de s’adapter à tout type d’environnement. Et dans un contexte d’urbanisation grandissante, observer le prédateur non loin des habitations n’a rien d’aberrant. N’oublions pas que le loup est le premier animal à avoir été domestiqué au Paléolithique supérieur, qu’aurait-il de surprenant au fait qu’il nous ait intégré à son environnement ?
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